"L'intérêt du FSI pour NicOx est marqué par notre plateforme de R&D et notre portefeuille de candidats-médicaments"
D.R.
En plein roadshow à New York, Michele Garufi, PDG de NicOx, a bravé le
décalage horaire à l'occasion d'un entretien téléphonique avec
Capital.fr pour faire le point sur les perspectives de la société
niçoise de biotechnologie et sur l'augmentation de capital en cours.
Capital.fr : Le cours de l'action NicOx subit une forte baisse depuis
l'annonce de l'augmentation de capital aux prix de 3,49 euros, qui
suscite par ailleurs des réactions parfois très vives. Et si nous
reparlions produit ? Qu'est ce que le Naproxcinod aujourd'hui ?
Michele Garufi : Le naproxcinod a accompli un long parcours depuis son
abandon par AstraZeneca. Nous avons eu en 2003 le courage de reprendre
ce produit en le positionnant selon son profil réel, celui d'un
anti-inflammatoire ne présentant pas d'effets néfastes sur la pression
artérielle contrairement aux inhibiteurs de la COX-2 mais aussi à
l'ensemble des anciens anti-inflammatoires disponibles. Nos équipes ont
su apporter la preuve de sa valeur thérapeutique au travers d'un
programme de 34 essais cliniques portant sur plus de 4.000 patients.
Nos démarches successives auprès de la FDA ont été couronnées de
succès. Précédemment, l'agence américaine a validé notre position sur
le profil cardiovasculaire en nous dispensant de réaliser une étude sur
les effets à long terme, dans la mesure où le point de départ est une
molécule éprouvée, le naproxène. Et nous avons désormais obtenu la
recevabilité du dossier d'homologation, sans retard sur le programme,
et sans que l'agence ne soulève d'objection majeure. Certes, la
décision finale n'est pas garantie, mais après le succès des dernières
études cliniques, c'est un pas énorme. Le projet touche vraiment à son
but.
Capital.fr : Mais il semble que le marché ne l'entend plus de cette oreille ?
Michele Garufi : La période de développement du naproxcinod a coïncidé
avec deux phénomènes adverses. D'une part, une crise financière majeure
et la pire récession depuis la Grande Dépression. D'autre part, le fait
que la FDA n'ait approuvé aucune nouvelle entité chimique dans le
domaine que nous visons depuis le retrait du dernier inhibiteur de la
COX-2. En conséquence, les laboratoires se montrent très, très prudents
dans leur prise de décision au moment d'investir des sommes
relativement importantes. Aujourd'hui, nous n'avons pas encore de
partenaire, alors que nous espérions signer plus tôt et que nous avons
de nombreux contacts. Mais, le marché oublie facilement tout ce que la
molécule a franchi comme étapes, tout l'intérêt qu'elle suscite auprès
des thérapeutes…
Capital.fr : C'est une période difficile à vivre ?
Michele Garufi : C’est une période qui nous demande beaucoup d’énergie.
Nous avons des experts, des leaders d'opinion enthousiastes, les plus
grands journaux scientifiques acceptent nos publications, NicOx a créé
une valeur considérable au cours des dernières années. Je suis vraiment
fier de ce que la société a accompli pour le naproxcinod, non seulement
nous avons achevé les essais cliniques de phase 3 et soumis un dossier
de NDA qui a été jugé recevable par la FDA, mais nous avons également
amélioré la sensibilisation des médecins aux problèmes de pression
artérielle des patients souffrant d’arthrose et mis en place une chaîne
d’approvisionnement à l’échelle industrielle. Il est vrai que certaines
réactions hostiles peuvent blesser. Le cours actuel ne nous satisfait
pas : beaucoup d'employés ont des stock-options, je suis moi-même un
actionnaire important de cette société que j'ai cofondée et à laquelle
je me consacre entièrement depuis 1996 ; comment peut-on dire que nous
nous moquons du prix de l'action ?! Par essence difficiles à valoriser
et sujettes à beaucoup de volatilité, toutes les sociétés biotechs du
monde vivent des moments où le cours est sous-évalué et des moments où
il est surévalué. Mais, la pression professionnelle est quelque chose
que je connais bien, et je suis reconnaissant aux employés de NicOx et
aux actionnaires qui nous manifestent leur soutien.
Capital.fr : En revanche, l'arrivée du FSI à votre capital est plutôt une bonne surprise.
Michele Garufi : Le FSI, comme d'autres actionnaires stables, a bien
saisi les enjeux que nous affrontons. Il nous soutient particulièrement
dans notre objectif de devenir une société pharmaceutique de
spécialité, l’une des rares biotechs européennes à avoir développé une
molécule de la découverte à la phase d’enregistrement. Leur intérêt est
aussi marqué par notre plateforme de R&D et notre portefeuille de
candidats-médicaments.
Capital.fr : A l'heure des plan Alzheimer ou plan cancer, qu'est-ce qui
a convaincu le fonds de soutenir votre projet, dans la mesure où le
Naproxcinod ne vise pas une pathologie aussi lourde ?
Michele Garufi : Beaucoup de médicaments importants ne traitent pas
nécessairement d'affections fatales. Et le problème de l'élévation de
la tension artérielle lié à la prise d'anti-inflammatoires, c'est un
réel défi, qui peut avoir des répercussions coûteuses en termes de
santé publique, lorsque l'on considère le grand nombre de personnes
amenées à prendre ce type de médicament. C'est donc une réelle
préoccupation dans la communauté médicale et le naproxcinod apporte une
vraie plus-value à ce niveau. Cette molécule est bien un élément
essentiel dans la motivation du FSI, au même titre que nos autres
projets dans l'ophtalmologie ou dans notre domaine de collaboration
avec Merck par exemple. Le FSI a examiné tout le potentiel scientifique
de nos produits et de notre technologie, leur comité a discuté avec les
experts mondiaux de la rhumatologie, c'est une décision qu'ils ont
étudiée en profondeur. Le fonds a soigneusement pesé le potentiel du
projet que veut construire NicOx autour de naproxcinod et d'autres
développements, il a investi et nous en sommes très heureux.
Capital.fr : Le marché n'a-t-il pas été déçu que vous lanciez dans la
foulée de l'augmentation de capital réservée une augmentation de
capital avec distribution de DPS, alors que le communiqué du 18 parlait
de la réalise lorsque les conditions de marché le permettront ?
Michele Garufi : Peut être cette mention a-t-elle été mal interprétée.
Mais il s’agit d’une augmentation de capital avec distribution de DPS,
théoriquement non dilutive pour les actionnaires qui décident de la
suivre, et qui apporte aux autres la possibilité de vendre leurs droits
de souscription.
Capital.fr : Cette dernière opération effectuée, quelle sera la position financière de NicOx ?
Michele Garufi : Nous devrions terminer l'année avec environ 150
millions d'euros, ce qui nous permettra de viser l'enregistrement et la
mise sur le marché du naproxcinod d'une façon sereine et bien
structurée.
Capital.fr : Est-ce à dire même en l'absence de partenaire ?
Michele Garufi : De toute façon, nous allons lancer le naproxcinod avec
un partenaire, cela a toujours été et reste notre stratégie. Ce que
nous souhaitons, comme nous l'avons toujours expliqué, ce n'est pas
signer n'importe quel contrat pour récupérer dans le meilleur des cas
18% de royalties. Nous voulons un accord de co-commercialisation en
nous réservant le segment des médecins spécialistes, laissant les
généralistes à un partenaire mieux équipé que nous pour cela, sur la
base d'un partage des coûts et de profits. Nous voulons conserver la
moitié des revenus, car c'est comme cela que la société sera en mesure
de croître. C'est avec ce modèle que des sociétés parties de rien ont
commencé à vendre leur produit et sont devenus des géants. Aujourd'hui
c'est ce projet que nous avons la possibilité de bâtir. Nous pourrions
créer une société européenne qui commercialise ses produits aux
Etats-Unis, avec une réelle perspective de devenir rentable et de
s'installer durablement. Aujourd'hui une fraction des investisseurs
semble préférer réaliser rapidement des bénéfices en bourse. Pourtant,
bâtir une entreprise comme NicOx, avec une vision industrielle à long
terme, est bien plus qu’une question d’argent. Quelle qu’ait été leur
valorisation, j’ai conservé l'essentiel de mes actions NicOx parce que
je suis convaincu de leur potentiel. Depuis 13 ans, nous travaillons
dur pour développer des molécules innovantes qui apporteront un réel
progrès aux malades. C’est notre raison d’être.
Propos recueillis par Guillaume Bayre