L'industrie de la santé s'accommode de la réforme Obama
Le président' a promulgué hier la loi étendant le bénéfice
de l'assurance- maladie à 31 millions d'Américains.
PIERRE-YVES DUGUA
CORRESPONDANT À WASHINGTON
ÉTATS-UNIS Bien que sa victoire semble
acquise, Barack Obama se doit de poursuivre
sa campagne pour la réforme de la santé;
Hiér, la cérémonie de promulgation de
la loi adoptée dimanche par la Chambre
des représentants lui a donné l'occasion de :
vanter lés mérites d'une réforme historique
qui n'est soutenue que par quatre:
Américains sur dix, selon un sondage de
Bloomberg tout juste publié. Mais le combat
legislatif du président Obama n'est pas
terminé. Le Sénat n'a pas encore voté des
amendements ';'Idoptés séparément dimanche
par la Chambre. La minorité ré-
Même les compagnies
d'assurance, dont
la cupidité supposée est
sans cesse dénoncée par
les démocrates, s'en tirent
moins mal que prévu
publicaine tente encore de retarder
l'adoption définitive du texte de compromis
qu'elle rejette en bloc. Cette bataille a
priori perdue d'avance pourrait durer plusieurs
jours.
Paradoxalement, sur le fond, les républicains
ont réussi à contenir les ambitions
initiales de Barack Obama et de la gauche
du Parti démocrate. Les «lobbys» des sociétés
du secteur de la santé ont très bien
servi les intérêts de leurs clients. Les laboratoires
pharmaceutiques ont par exemple
évité le pire. Ils n'auront pas à négocier les
prix de leurs médicaments avec une nouvelle
.agence fédérale; comme, les démocrates
l'avaient envisagé. Ils conservent
,1 pendant douze ans les brevets exclusifs rlf'~
molécules qu'ils ont déposés. On avait'
songé à réduire cette période à sept ans. La
loi n'autorise pas non plus la réirnportation
aux États-Unis, en provenance du Canada
par exemple, de leurs médicaments qui y
sont vendus nettement moins chers.
Impact redouté sur l'emploi
Les géants de la pharmacie, tout comme
les fabricants d'appareils médicaux, vont
certes devoir payer une surtaxe au cours
des prochaines années, proportionnelle à
leurs parts de marché. La ponction subie
par, les laboratoires sera de 9<) milliards
de dollars-sur dix ans. Cela reste raisonnable
pour-une industrie dont les marges
sont proches de 30 % et dont le chiffre
d'affaires annuel global est de 750 milliards
ù'e dollars. D'autant que les ventes
de l'industrie devraient grimper plus vite
au cours des prochaines années, du fait
de l'arrivée de plus de 20 millions de
nouveaux clients aujourd'hui dépourvus
d'assurance-maladie.
Même les compagnies d'assurance, dont
la cupidité supposée est sans cesse dénoncée
par les démocrates, s'en tirent moins
mal que.prévu. Elles n'auront pas à faire
Une patiente
dans
un centre
de santé
à Cincinnati
au sud
de l'État de
l'Ohio, lundi
dernier. CARRIE
COCHRAN/AP
face à la «concurrence déloyale» d'un régime
public d'assurance santé longtemps
proposé par Barack Obama. Il n'y aura pas
non plus de nouvelle agence fédérale de réglementation
de leo/s prÏDfes. En revanche,
au niveau des Etats doivent se mettre
en place des plates-formes où leurs offres
seront mises en concùrrence. Elles ne
pourront plus refuser d'assurer des personnes
malades ou «à haut risque». Leur
modèle va donc devoir évoluer. Certaines
risquent de souffrir de cet ajustement.
Les lobbys des entreprises sont, de
leur côté, très déçus de là victoire à l'arraché de la Mais9u-Blanche.
Initialement,
les grandes entreprises s'étaient
ralliées .au principe d'une réforme de la
santé. Elles sont aujourd'hui - et devraient
resterà l'avenir - la principale
source de financement des soins médicaux.
Or, elles comptaient sur Washington
pour imaginer des mécanismes de
contrôle des coûts.
Dans les PME et chez les commerçants,
la réforme est encore plus mal
acceptée. Dans leur esprit, la loi décourage
l'embauche, car elle augmente les
coûts de main-d'oeuvre. En dépit de
crédits d'impôts promis, beaucoup de
petites sociétés déplorent l'obligation
faite aux entreprises de plus de 50 employés
d'offrir une forme d'assurance à
leur personnel, sous peine d'amendes.
« Ce n'est pas une loi qui réforme la santé.
C'est une loi qui augmente les impôts,
déguisée en réforme de la santé », se lamente
Susan Eckerly, vice-présidente
de la National Federation of Tndenen