Arnaud Guérin, Portzamparc : "Les moteurs des biotechnologies sont toujours actifs"
Vendredi 11 juin 2010 à 10:03 Imprimer
(Tradingsat.com) - Arnaud Guérin, analyste chez Portzamparc en charge du secteur Biotech Mid and Small Caps a été récemment récompensé par la deuxième place du « meilleur analyste biotech en Europe » selon l'institut Thomson-Reuters. Il nous donne son point de vue sur le secteur et nous explique pourquoi il faut selon lui acheter Transgene et Vivalis.
Tradingsat.com : Sur quels critères avez-vous été évalué pour obtenir ce prix ?
Arnaud Guérin : L'évaluation repose sur l'exploitation des données de la base IBES, qui rassemble les estimations de bénéfice par actions de tous les analystes. J'ai été jugé sur la qualité de mes recommandations, l'idée étant qu'un investisseur ayant suivi mes conseils réalise une meilleure performance que chez les concurrents.
Tradingsat.com : Le secteur des biotechnologies n'est pas très en forme en Bourse, comme l'ensemble du marché d'ailleurs.
Arnaud Guérin : Oui, mais les moteurs du secteur restent actifs. Il y a d'ailleurs de plus en plus de valeurs biotechnologies cotées. Trois introductions ont eu lieu récemment : AB Science, Neovacs, Deinove, et bientôt une société très prometteuse qui développe un cœur artificiel, Carmat – qui stricto sensu, appartient plutôt à la catégorie des technologies médicales. Les biotechnologies s'étoffent en France et en Europe, gagnent en maturité, rattrapent petit à petit leur retard sur leurs homologues américaines, avec des hauts et des bas (comme récemment avec NicOx), mais au final l'histoire reste porteuse. Les projets développés concernent des pathologies complexes et des innovations technologiques significatives.
Tradingsat.com : Comme par exemple ?
Arnaud Guérin : Le marché du vaccin thérapeutique est très prometteur. La FDA vient d'approuver le Provenge de la société américaine Dendreon. Il s'agit de la première approbation obtenue pour un produit d'immunothérapie active, c'est un point positif qui permet d'ouvrir le champ à tous les vaccins thérapeutiques et aux nombreux laboratoires qui travaillent dans ce domaine, notamment le français Transgene.
Tradingsat.com : Ce feu vert de la FDA signifie-t-il que tous les autres vaccins thérapeutiques seront approuvés ?
Arnaud Guérin : Bien sûr que non. Mais il veut dire que la FDA accepte le concept. Dendreon a défriché le terrain, essuyé les plâtres. La FDA est maintenant familiarisée avec cette nouvelle approche thérapeutique. Il y a désormais une courbe d'expérience, à la fois du côté de la FDA et des laboratoires, pour optimiser le processus d'approbation en allant directement aux points essentiels.
Tradingsat.com : Les biotechs demeurent donc un vecteur d'investissement boursier intéressant.
Arnaud Guérin : L'argument de fond n'a pas changé. Il repose sur l'idée que les pharmas sont en panne, alors que bon nombre de leurs brevets vont tomber dans le domaine public d'ici à 2015. On parle de 100 milliards de dollars qui vont passer à la trappe, la fameuse « falaise brevetaire ». Les groupes pharmaceutiques n'ont donc d'autres solutions, compte tenu du déficit de performance de leur R&D interne, que de sous-traiter et d'aller financer des biotechs « efficaces ». C'est ce qu'a fait Roche depuis longtemps, en prenant le contrôle de Genentech, et c'est le virage stratégique que Sanofi-Aventis a fortement accéléré depuis fin 2008.
Tradingsat.com : Quelles sont vos valeurs préférées dans le secteur ?
Arnaud Guérin : Transgene et Vivalis. Transgene est très bien positionné dans le domaine du vaccin thérapeutique. La société a noué un accord avec Roche dans le cancer du col de l'utérus pour un candidat vaccin en phase clinique IIb et vise également le cancer du poumon avec un produit, le TG4010, pour lequel une option de licence a été signée avec Novartis. Vivalis détient la technologie pouvant remédier aux deux problèmes de l'outil de production des vaccins : sa capacité limitée, insuffisante en cas de pandémie, et les contaminations parfois entraînées par le mode de production actuel à partir d'oeufs embryonnaires. La lignée cellulaire EB66 de Vivalis, dérivée de cellules souches de canard, fait déjà l'objet de nombreux partenariats et a le potentiel pour devenir un standard.
Tradingsat.com : Quels objectifs de cours visez-vous sur ces deux valeurs ?
Arnaud Guérin : 25 euros sur Transgene et 16 euros sur Vivalis. Mais mieux vaut éviter de faire du trading court terme. Le flux d'annonces sur Transgene, très dense en 2009 et au 1er trimestre 2010, sera beaucoup plus calme cette année. Notamment, le candidat vaccin dans le cancer du poumon ne débutera sa phase IIb/III qu'à la fin de l'année, et l'on ne connaîtra les résultats de la partie "Phase IIb" que fin 2011. Le newsflow de Vivalis est beaucoup moins prévisible, puisqu'il dépend des signatures d'accords de licence, tel que celui annoncé cette semaine avec Sanofi Pasteur, la division vaccins de Sanofi-Aventis. Mais le gros atout de Vivalis est la dilution du risque liée à la multiplication d'accords de licence signés avec un grand nombre d'opérateurs.
Tradingsat.com : Un mot sur le récent fiasco NicOx ?
Arnaud Guérin : J'ai épluché une vingtaine de décisions des différents Advisory Committee de la FDA du S2 2009 afin de me faire une idée du comportement de la FDA par rapport à ces décisions, j'ai constaté que l'institut réglementaire américain suit généralement les recommandations de ses différents comités indépendants. Dans le cas de NicOx et du naproxcinod le fait est que sur les 18 experts indépendants mandatés par la FDA dans le cadre de son processus d'approbation, 16 ont émis un avis négatif, contre une voix positive, et une abstention. Il me semble difficile d'imaginer qu'en juillet, la FDA ira à l'encontre d'un avis aussi massivement négatif. Le dossier me paraît pour le moins très compliqué. Ce qui me fait dire qu'il y a mieux à faire que d'acheter NicOx dans le secteur des biotechnologies aujourd'hui.