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Lundi, Nicox a annoncé le succès de son augmentation de capital de 70millions d’euros. Réalisée au prix de 3,49 € par action (avec maintien du DPS), avec une décote de 50%par rapport au cours du 24 novembre, elle a été sursouscrite 1,5 fois. Le fonds stratégique d’investissement entré concomitamment via un placement réservé de 30 millions possède désormais 5 % du capitalNicox aux côtés de son président, MicheleGarufi (1,5%du capital),qui n’a pas participé à l’opération. Ce succès doit être relativisé : portedrapeau de la biotech française, l’actionNicox caracolait en 2007 autour de 20 €, et sa capitalisation boursière frôlait lemilliard.
Une performance qui faisait suite à l’annonce de deux accords de développement de composés avec les géants Merck et Pfizer, validant l’intérêt de satechnologie de greffe d’oxyde nitrique sur des molécules connues (afin d’en réduire les effets secondaires) et faisant, par conséquent, rêver les investisseurs sur le potentiel de blockbuster (médicament de plus de 1 milliard de dollars de ventes) du produit vedette, l’anti-inflammatoire naproxcinod, en fin d’essais cliniques.
Depuis cette époque, les données ont changé : Pfizer a abandonné son
projet dans le glaucome en phase II(repris par Nicox) et le partenariat de grande ampleur annoncé depuis deux ans par la société pour la commercialisation de naproxcinod ne s’est pas concrétisé.
«La trésorerie s’amenuisant, les actionnaires ont été sollicités en remplacement d’un industriel qui aurait dû verser un premier paiement entre 50 et 100 millions d’euros», s’inquiète un investisseur, qui s’interroge sur le potentiel du naproxcinod, dont la valeur représente entre 70 % et 90 % du portefeuille de Nicox. Nous avons recensé les principales questions suscitées par l’opération. Naproxcinod bientôt sur le marché ? Grâce à son profil amélioré sur la tension artérielle, le naproxcinod (issu
du générique naproxène) dispose d’un avantage par rapport auxmédicaments concurrents. Il est même considéré comme un potentiel successeur du Vioxx de Merck retiré du marché en 2006 pour ses graves effets cardio-vasculaires. Son dossier d’enregistrement, dans l’indication de douleurs arthrosiques, a été jugé recevable, ennovembre,par les autorités américaines (FDA), qui rendront leur avis en juillet. Il a été soumis, mardi, à l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA), une bonne nouvelle qui a fait grimper le titre de plus de 6 %. Les analystes estiment à 90 % la probabilité de commercialisation du naproxcinod.Dans le cas d’un feu vert des autorités de santé, un lancement devrait intervenir, d’abord aux Etats-Unis, après procédures
de fixation de prix et de remboursement, vers le premier semestre 2011, et ultérieurement en Europe, en fonction des décisions de prix dans chaque pays.
Quelles perspectives aux Etats-Unis ?
Le principal débouché du naproxcinod se situe aux Etats-Unis. Lemarché américain de l’inflammation dans l’arthrose est estimé à 3,5 milliards de dollars et est constitué à 80 % (en volume) de génériques. Celebrex de Pfizer, un anti-inflammatoire qui a un avantage innovant en termes de protection gastro-intestinale, mais impose des précautions d’emploi pour
les personnes souffrant d’hypertension, en représente toutefois 77 % en
valeur. La taille de ce marché, où les perspectives de prix sont beaucoup plus élevées qu’en Europe, nécessite une force de vente d’environ 1.500 visiteurs médicaux auprès des généralistes. Nicox compte, grâce aux fonds
levés, garder les droits de commercialisation auprès des spécialistes rhumatologues et construire une équipe dédiée d’une centaine de délégués. Compte tenu des enjeux commerciaux d’un marché de masse, où
aucun anti-inflammatoire n’a été lancé depuis Celebrex, il y a dix ans, un partenaire solide serait bienvenu pour attaquer les généralistes. Le label,
un élément clé ? «Tant que la notice faisant état des avantages distinctifs sur l’hypertension de notre médicament n’est pas validée par la FDA, aucun partenaire ne peut s’engager», explique Michele Garufi. D’un point de vue thérapeutique, une baisse de 1,5 % à 2,3 % de la pression artérielle systolique (par rapport à une pression normative) grâce au naproxcinod constituera-t-elle un avantage suffisant pour attirer un futur partenaire ? En parallèle, Pfizer mène une étude de grande ampleur sur 20.000 patients, pour Celebrex, visant à évaluer ses effets cardio-vasculaires.
Quel positionnement de prix ?
Pour justifier d’un potentiel de blockbuster auprès d’un grand laboratoire,le prix du traitement devra être élevé. Celui de Celebrex s’établit à 150 $ par mois. «A ce prix, les mutuelles privées sont très difficiles à convaincre si le médicament n’amène pas une innovation qui ne pourra être confirmée que par de nouvelles études coûteuses à long terme. Sachant que le brevet de naproxcinod arrive à échéance dans quatre ans outre-Atlantique (avec possibilité d’extension jusqu’en 2019), le calcul économique n’est pas nécessairement viable pour un grand laboratoire », explique Rodolphe Besserve, analyste à la Société Générale. Ce dernier table plutôt
sur un prix de traitement aux alentours de 50 $ (trois fois celui d’un
générique).
Quels scénarios de commercialisation et quelle valorisation ?
«En dehors de l’option, toujours d’actualité, de licencier notre produit à un
grand laboratoire, d’autres alternatives se font jour pour atteindre les généralistes. Nous pouvons louer une force de vente, finaliser un accord de copromotion ou conclure une alliance avec une société de plus petite taille. L’objectif est d’optimiser le potentiel de naproxcinod en achetant
d’autres produits qui ont des synergies avec ce dernier », indique Michele Garufi. Un changement de discours stratégique mal perçu par les marchés.
La société dispose de 150millions d’euros de trésorerie. D’ici à 2012, elle ne dégagera pas de bénéfice mais générera des flux de trésorerie négatifs, sauf si elle perçoit des premiers versements dans le cadre d’un partenariat.
Selon nos hypothèses, dans le cas d’un accord avec un grand laboratoire
aux Etats-Unis, la valeur actualisée des flux futurs de naproxcinod, sur la base d’un chiffre d’affaires estimé de 1,5 milliard d’euros en 2014 et un taux de royalties de 20 %, fait ressortir un prix de 16 € par action. Si
Nicox fait affaire avec une société de petite taille, avec pour corollaire un
potentiel de chiffre d’affaires de 750 millions d’euros et un taux de royalties de 15 %, l’actualisation conduità un prix de 7,50 € par action.
Enfin, dans l’hypothèse où Nicox attaque seul le marché américain, son potentiel de ventes est estimé à 200 millions d’euros, et l’action à 5,50 €. Cette stratégie, selon les investisseurs, serait destructrice de valeur et nécessiterait un nouvel appel au marché.
Reste que, pour Philippe Pouletty, dirigeant du fonds Truffle Capital,
«un investissement dans la biotech ne doit pas être court-termiste. Alors que les grands laboratoires n’ont reçu en moyenne, en 2009, qu’un ou deux agréments de la FDA pour de nouveaux produits, Nicox est la seule société biotech française à ce stade d’avancement, et il est peu probable qu’elle ne trouve pas une solution même minimale de distribution à grande échelle aux Etats-Unis ».
Anne Barloutaud
ACHETER À TITRE SPÉCULATIF
L’action avoisine le prix de notre scénario bas. Son potentiel varie selon les hypothèses de commercialisation. L’absence totale d’accord de distribution nous paraîtimprobable. Viser 8 €.
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Annonces de recevabilité du dossier par
l’EMEA et avis de la FDA en 2010, qui ...